La saisie conservatoire immobilière : conditions de mise en œuvre

Notion

Comme toutes les saisies conservatoires, la saisie conservatoire immobilière a pour objet de sauvegarder les éléments du patrimoine du débiteur, qui constituent le gage de la créance dont est titulaire un créancier.

Son principal effet est de rendre indisponible le bien sur lequel elle porte, empêchant par là le débiteur saisi d’en disposer et ainsi de s’appauvrir et de diminuer l’assiette de son patrimoine.

De ce fait, les saisies conservatoires n’enlèvent en rien la propriété ni la possession sur le bien saisi dont dispose le propriétaire qui peut continuer, en ce qui concerne les biens immeubles, à poser des actes de gestion et à percevoir et disposer des fruits qu’ils peuvent produire (comme les loyers éventuels par exemple – art. 1443 du Code judiciaire).

Cette indisponibilité, et l’interdiction de disposer du bien qui en découle, est garantie par le fait que certains actes qui seraient posés en violation de ce principe sont considérés comme inopposables (la mise en vente ou la constitution d’hypothèques par exemple – art. 1444 du Code judiciaire). En outre, la personne qui dispose indument d’un bien saisi de manière conservatoire s’expose à des sanctions pénales (article 507 du Code pénal).

La saisie conservatoire a pour caractéristique d’être totale en ce sens que si un bien immeuble est saisi, c’est l’ensemble de ce bien qui est frappé d’indisponibilité même si la valeur de ce dernier est supérieure au montant de la créance à la base de la saisie.

En outre, la saisie conservatoire n’est que temporaire et expire de plein droit après trois ans. Si le créancier souhaite que la saisie perdure au-delà de ce délai, il est tenu de solliciter le renouvellement auprès du juge des saisies (article 1426, 1437 et 1459 du Code judiciaire).

Attention cependant que la saisie conservatoire, bien qu’elle préserve le gage du créancier, ne confère à ce dernier aucun privilège (article 1442 du Code judiciaire) de sorte que la mise en place de cette saisie ne permettra pas, ultérieurement, au créancier saisissant d’être payé par préférence.

Les conditions de la saisie conservatoire

Le Code judiciaire requiert la réunion de trois conditions cumulatives pour pouvoir pratiquer une saisie conservatoire :

1. Il faut qu’il y ait célérité (article 1413 du Code judiciaire): cela veut dire qu’il faut qu’il y ait péril en la demeure. Le recouvrement de la créance est mis en péril par la situation du débiteur et il est urgent de mettre en place une mesure de sauvegarde. Le créancier doit éprouver la crainte que faute de cette mesure, il risque de voir sa créance demeurer impayée.

Cette condition est rencontrée lorsque des circonstances objectives permettent d’établir une insolvabilité existante ou menaçante dans le chef du débiteur.

2. Il faut que la créance à la base de la saisie soit certaineexigible et liquide (article 1415, alinéa 1er du Code judiciaire ; Cass. 5 septembre 1997, L.M.B., 1997, p. 1684):

    • Le caractère certain : cette condition implique que le créancier puisse se prévaloir d’une créance qui présente une apparence de fondement suffisant pour autoriser une saisie conservatoire. Il n’est cependant pas requis que la certitude soit telle qu’elle justifierait une condamnation et il ne suffit pas qu’elle soit contestée pour perdre ce caractère certain. En réalité, ce critère sera rencontré lorsque le fondement de la créance ne parait pas sérieusement contestable au terme d’un examen sommaire.
    • L’exigibilité : le créancier doit se trouver en mesure de demander au débiteur le paiement de la créance.
    • La liquidité: cette condition signifie que la créance doit être évaluable en argent ou, à tout le moins, qu’elle soit susceptible d’une estimation provisoire.

3. Le créancier doit disposer d’un titre judiciaire: le créancier doit disposer d’un titre judiciaire, même non exécutoire pour mettre en œuvre la saisie (article 1414 du Code judiciaire). En l’absence de titre judiciaire, le créancier doit demander l’autorisation au juge des saisies de faire pratiquer une saisie conservatoire, autorisation qui sera donnée si les deux conditions précédentes sont rencontrées (article 1415 du Code judiciaire).

 

Attention, dans cette hypothèse, c’est au créancier à démontrer la réunion de ces conditions (Liège, 18 mai 2004, J.T., p. 230). Ainsi, c’est lors de cette demande que le juge vérifiera si la célérité est belle et bien présente et si la créance en cause possède une apparence de fondement difficilement contestable au terme d’un examen sommaire.

L’objectif d’une saisie immobilière conservatoire étant de surprendre le débiteur, la demande d’autorisation se fait par requête unilatérale signée par avocat (article 1417 et 1026, 5° du Code judiciaire) et contenant obligatoirement les mentions de situation du bien (article 1430 du Code judiciaire). Le juge statue dans les huit jours du dépôt de la requête au plus tard (article 1418, alinéa 1er du Code judiciaire) et fixe dans son ordonnance le montant à concurrence duquel la saisie est pratiquée (article 1418, alinéa 2 du Code judiciaire).

Si le juge refuse d’autoriser la saisie, le créancier peut interjeter appel dans le mois par requête unilatérale déposée au greffe de la Cour d’appel (article 1031 du Code judiciaire).

Dans l’hypothèse où le juge en revanche autorise la saisie, le débiteur saisi peut former tierce opposition à cette ordonnance dans le mois (article 1419, alinéa 1er du Code judiciaire).

Si aucune contestation n’est opposée à cette ordonnance, le créancier peut s’en servir pour mettre en œuvre la saisie conservatoire. Attention cependant que pour les saisies conservatoires immobilières, l’ordonnance d’autorisation périme de plein droit si elle n’est pas suivie, dans ce délai, d’un exploit de saisie transcrit dans les registres du bureau des hypothèques de la situation du bien (article 1433 du Code judiciaire).

Procédure de la saisie immobilière conservatoire

La saisie immobilière conservatoire ne doit pas être précédée d’un commandement (article 1432, alinéa 1er) mais doit faire l’objet d’un exploit de saisie qui doit, à peine de nullité, répondre aux exigences de l’article 1432 du Code judiciaire.

Cet exploit de saisie doit être signifié au débiteur saisi. A noter que dans les 24 heures de cet acte de saisie, l’huissier doit adresser l’avis de saisie au receveur des contributions directes, afin de permettre au Trésor public de faire inscrire l’hypothèque légale dont il bénéficie en ordre utile (cette inscription hypothécaire doit, pour être opposable, se faire dans les 8 jours de l’envoi de l’avis de saisie ; article 1432 et 1444 du Code judiciaire).

Enfin, l’exploit doit être transcrit au bureau des hypothèques de la situation du bien.

C’est cette inscription qui frappe le bien d’indisponibilité et qui fait courir le délai de validité de trois ans de la saisie.