Mineurs d’âge et succession

Le mineur d’âge étant légalement présumé incapable quant à sa personne et quant à ses biens, sa capacité d’exercice est réduite, de sorte qu’il est soumis à un régime de représentation.

En principe, ce sont les pères et mères du mineur, disposant de l’autorité parentale, qui administrent légalement les biens de leur enfant ; c’est ce que l’on appelle l’administration légale.

Lorsqu’un mineur a un lien de filiation qui est établi à l’égard d’au moins un de ses père ou mère, lequel est vivant, non déclaré absent ou dans l’impossibilité de manifester sa volonté, il est placé sous l’autorité parentale de ce dernier. Ce parent exerce alors seul l’administration légale des biens du mineur. A cet égard, le mineur ne pourra bénéficier d’un tuteur que si les deux parents sont décédés ou si le parent survivant n’est pas capable d’exprimer sa volonté ou est dans l’impossibilité d’exercer son autorité parentale.

Lorsque le parent survivant administre légalement les biens de son enfant mineur (art. 376 C. civ.), cette prérogative porte tant sur la gestion des biens de l’enfant que sur le pouvoir de le représenter dans les actes juridiques en rapport avec son patrimoine.

Actes pour lesquels l’autorisation préalable du juge de paix est nécessaire

A noter que le responsable du mineur n’a pas le droit de poser tout acte qu’il désire selon son souhait. En effet, il existe une série d’actes limitativement énumérés par la loi (art. 378 renvoi à l’article 410, §1er), où l’administration légale des biens est soumise à une autorisation préalable d’un juge.

A ce titre, l’acceptation ou la renonciation à une succession requiert l’autorisation du juge de paix et ne peut se faire que sous bénéfice d’inventaire (Art. 410, §1er, 5° ; J.P. Leuven, 22 juillet 2003, J.J.P., 2004, p. 213). Le juge appréciera à cet égard l’option choisie dans l’intérêt du mineur sur base d’un état du patrimoine successoral (Ch. AUGHUET et al., Traité de droit civil belge, T. I, Les personnes, Vol. 2, coll. DE PAGE, Bruxelles, Bruylant, 2015, p. 1069).

Conflit d’intérêts avec ses parents

Il peut arriver, dans le cadre de la gestion des biens du mineur, que ce dernier se trouve en conflit d’intérêt avec un seul ou ses deux parents.

La notion de conflit d’intérêts est particulièrement large et permet un contrôle assez étendu par le juge du fond des relations entre les parents ou le parent survivant et son enfant mineur (F. DEREME, « La protection des biens des mineurs après la réforme des lois des 29 avril 2001 et 13 février 2003 », J.T., 2005, N°6164, p. 24) ;

Lorsque le mineur se trouve en conflit d’intérêts avec ses deux parents, l’article 378, § 1er, alinéa 6, du Code civil autorise le juge de paix, à la requête de toute personne intéressée ou même d’office, à désigner un tuteur ad hoc. Celui-ci sera cependant nommé uniquement pour accomplir l’acte envisagé, en représentant le mineur. Il ne se substituera pas aux parents du mineur pour le surplus.  En sa qualité de mandataire, le tuteur sera tenu de remplir les conditions d’impartialité et d’indépendance de la tutelle.

Quid en cas de conflit d’intérêts entre le mineur et son seul parent survivant ? L’article n’en dit rien, mais pour la jurisprudence : « La logique et le souci du juge de paix d’assumer son rôle naturel de protection des mineurs, imposent de ne pas se limiter à une interprétation  littérale  de  l’article  378  du  Code  civil  et  d’admettre  que  dans l’hypothèse d’un conflit d’intérêts entre un enfant et son seul parent, le juge de paix puisse également désigner un tuteur ad hoc pour représenter l’enfant » (J.P. ROULERS, 3 octobre 2002, J.J.P., 2004, p.201).

Du reste, doctrine et jurisprudence s’accordent pour considérer que cette disposition doit s’appliquer de manière généralisée de telle sorte que même les actes pour lesquels les parents n’ont besoin d’aucune autorisation judiciaire tombent sous son application.

Par contre, cet article doit être limité à la section du Code civil à laquelle il appartient de telle sorte qu’un tuteur ad hoc ne peut être désigné qu’aux fins de gérer les biens du mineur (N. GALLUS et al., « Titre I – La minorité », Droit des personnes et des familles, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 826).

A cet égard et de manière plus concrète, il a déjà été jugé par la justice de paix de Westerlo que : « Lorsque les parents, souvent absents, négligent de défendre les intérêts de leurs enfants confiés et domiciliés par ailleurs chez les grands-parents, l’opposition d’intérêts est évidente et il y a lieu de nommer un tuteur ad hoc. En l’espèce, le grand-père sera nommé tuteur ad hoc de ses petits-enfants et ses tâches seront définies de manière précise, après l’établissement d’un inventaire des biens, ceci par analogie avec les articles 406 et 407 du Code civil relatifs à la tutelle » (J.P. WESTERLO, 18 avril 2005, R.A.B.G., 2005, p. 1819).

Cette même juridiction a par ailleurs déjà jugé que « la désignation d’un tuteur ad hoc est indispensable dans l’hypothèse où il s’agit de gérer les sommes que l’enfant mineur a reçu et doit encore recevoir au titre de dommages et intérêts à la suite d’un grave accident de la circulation, dans la mesure où la gestion désastreuse de ses biens par la mère de l’enfant, détentrice de l’exercice exclusif de l’autorité parentale, a créé un conflit d’intérêts entre la mère et l’enfant qui justifie que soit désigné un tuteur ad hoc » (J.P. WESTERLO, 15 avril 2015, J.J.P., 2005, p. 527).

Protections existantes relatives aux sommes perçues au nom du mineur

En tout état de cause, la désignation d’un tuteur ad hoc pour la gestion des sommes recueillies par un mineur dans le cadre d’une succession a perdu quelque peu de sa raison d’être, dans la mesure ou l’article 776 du Code civil actuel dispose en son alinéa 2 que : « Les fonds et valeurs leur revenant sont placés sur un compte à leur nom, frappé d’indisponibilité jusqu’à la majorité ou la mainlevée de la mesure d’incapacité, sans préjudice du droit de jouissance légale ».

Du reste, la protection est réellement renforcée, dans la mesure où si le parent survivant désirerait disposer du capital frappé d’indisponibilité, il serait obligé, conformément à l’article 410, § 1er, 14° du Code civil, d’en demander l’autorisation préalable au juge de paix.

Il est cependant regrettable de constater que le législateur n’a pas opéré un parallélisme complet entre l’indisponibilité de ces fonds et l’absence de droit de jouissance légale, prérogative attachée à l’autorité parentale et à l’administration légale (art. 384 C. civ.), exercée par les deux parents ou par le seul parent survivant.

De ce fait, le parent survivant pourra jouir des fruits produits par les sommes frappées d’indisponibilité. La jouissance légale étant d’ordre public, elle est malheureusement indisponible et insaisissable.

Cependant, des garde-fous pourraient être envisagés :

  • Conflit d’intérêts: Dans cette hypothèse, une demande de désignation d’un tuteur ad hoc auprès du juge de paix pourrait être diligentée par tout tiers intéressé, aux fins de gérer les biens du mineur (cfr supra) ;

 

  • La demande en déchéance pour abus de jouissance : La jouissance légale étant quasiment calquée sur les règles de l’usufruit de droit commun, les causes d’extinctions de ce dernier lui sont applicables (art. 617 et 618 du Code civil ; H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, T. II, Vol. 2, 2é ed., Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 998). A ce titre, l’abus de jouissance peut être invoqué dans le cadre de la jouissance légale. Dans ce cadre, la jurisprudence considère que dès que l’intérêt de l’enfant est menacé, les autres ascendants que le parent survivant du mineur se verront octroyer qualité pour agir en justice sur cette base, puisque les cours et tribunaux considèrent que dès que l’intérêt de l’enfant est en jeu, l’exercice de l’autorité parentale devient contentieux (F. DEREME, « La protection des biens des mineurs après la réforme des lois des 29 avril 2001 et 13 février 2003 », T., 2005, N°6164, p. 23).

 

  • La demande de modification, dans l’intérêt de l’enfant, des prérogatives liées à l’autorité parentale auprès du Tribunal de la famille : cette solution n’est toutefois que purement théorique dans la mesure ou l’article 387bis du Code civil dispose que seul le parent survivant lui-même ou le procureur du Roi peuvent agir sur cette base ;

 

  • Responsabilité à la majorité du mineur : Lors de l’acceptation d’une succession, le juge de paix veillera à ce que soit respecté les formalités relatives à l’inventaire, outil crucial qui permettra au mineur, devenu majeur, de demander des comptes au parent survivant et d’engager sa responsabilité sur pieds de l’article 379, alinéa 1er du Code civil (les parents étant comptables des biens dont ils ont la jouissance) ;